Textes contre l’iconoclasme
Saint Jean Damascène
(Docteur de l’Église, fête le 5 décembre)
Né après 650, il meurt vers 750, avant le concile de Héréia de 754. Issu d’une famille chrétienne considérable, son père gérait les finances du califat, il devint moine au monastère de Saint-Sabas, près de Jérusalem. Il connaît parfaitement la tradition des Pères et en donne une synthèse impressionnante. Adversaire des hérésies déjà présentes : nestoriens, jacobites, monothélites, il consacra aussi trois « Discours aux calomniateurs des images » Le patriarche Germain et d’autres évêques sont alors exilés par l’empereur Léon III. Comme Germain, Jean Damascène réclame la réunion d’un concile. Mais sans attendre il s’engage dans la réfutation de l’iconoclasme :
« Autrefois, Dieu n’avait jamais été représenté en image, étant incorporel et sans visage. Mais puisque maintenant Dieu a été vu dans la chair et qu’il a vécu parmi les hommes, je représente ce qui est visible en Dieu. Je ne vénère pas la matière, mais le créateur de la matière, qui s’est fait matière pour moi et qui a daigné habiter dans la matière et opérer mon salut par la matière. Je ne cesserai de vénérer la matière par laquelle m’est advenu le salut. Mais je ne la vénère pas comme Dieu – certes non ! Comment serait Dieu ce qui a reçu l’existence à partir du non-être ? – Même si le corps de Dieu est Dieu, l’étant devenu par l’union hypostatique sans changement, tout en demeurant ce qu’il est par nature, chair animée d’une âme raisonnable, créée et non pas incréée. Mais je vénère et respecte aussi tout le reste de la matière qui m’a procuré le salut, comme étant remplie d’énergie et de grâce saintes. N’est-il pas matière, le bois de la croix trois fois bienheureux ? N’est-elle pas matière la sainte et sacrée montagne du Calvaire ? N’est-elle pas matière la pierre porteuse de vie et salvatrice, saint sépulcre, source de notre résurrection ? L’encre et le livre très saint des Évangiles ne sont-ils pas matière ? L’autel salvateur qui nous dispense le pain de vie n’est-il pas matière ? L’or et l’argent dont sont faits les croix, les tableaux et les vases sacrés ne sont-ils pas matière ? Et avant tout la chair et le sang de mon Seigneur ne sont-ils pas matière ? Ou bien il te faut supprimer le caractère sacré de tout cela, ou bien tu concéderas à la tradition de l’Église la vénération des images de Dieu et de celle des amis de Dieu (les saints) qui sont sanctifiés par le nom qu’elles portent et qui, pour cette raison, sont habitées par la grâce du Saint-Esprit. N’offense pas la matière : elle n’est pas méprisable, car rien de ce que Dieu a fait n’est méprisable » (Contra imaginum calumniatores, I,16, éd. Kotter, p. 89)
Saint Théodore Stoudite (759-826)
Avec Nicéphore le patriarche et Théodore Stoudite, nous entrons dans la période proprement théologique de l’iconoclasme. Leurs œuvres, écrites entre 814 et 828 (mort de Nicéphore deux ans après Théodore), répondent aux accusations de Hiéréia (754) L’image n’est pas une idole, parce qu’elle renvoie à quelque chose, tandis que l’idole est son propre modèle. L’image est, comme le mot, relative, elle est image de quelque chose ; en outre, si l’on craint une tromperie, si on a une hésitation sur la personne représentée, on peut ajouter un nom sur l’image, nom et image étant dans le même type de relation par rapport au prototype. Le nom sacré inscrit sur l’icône garantit le lien entre l’image et le prototype. Il sacralise la représentation tout en relativisant son culte, en rappelant que l’image du saint n’est pas le saint :
« Autre est le Christ, autre est l’icône du Christ considéré selon la nature, même s’il y a identité quant à l’appellation qui est indivise. Si l’on considère la nature de l’icône, on n’appellera pas « Christ », même pas « image du Christ », ce qu’on voit on l’appellera « bois », « couleur », « or », « argent »,… ; mais lorsqu’on regarde la ressemblance du modèle figuré, on l’appelle « Christ » et « image du Christ » : « Christ » d’après l’identité du nom, « image du Christ » d’après la relation. »
(Théodore Stoudite, ep. 411, éd Fatouros, II, p. 573-574 ; Antirrh. I, 8 et 11 ; III, 3, 2-5, PG 99, col.373,341)
Pour Théodore Stoudite, il ne suffit pas de tolérer les images pour leur valeur éducative, en les plaçant au dernier rang des symboles figurés, elles sont, pour les saints eux-même, l’expression la plus forte des vérités de la foi, et la garantie des ultimes développements de l’Incarnation.
Photius
Ce patriarche de Constantinople fut très controversé. Neveu du patriarche Taraise, il faisait partie d’une famille aristocratique proche des empereurs et étroitement mêlée au rétablissement des images. Ce lettré devint patriarche dans des circonstances troubles. Dérogeant aux lois de l’Église, lui qui n’était que laïc, devint en six jours diacre, prêtre, et patriarche. Une tension s’établit alors avec le pape Nicolas 1er, soucieux de soutenir le patriarche Ignace évincé au profit de Photius. Le concile de Constantinople de 869 condamna Photius. L’empereur rappela alors le patriarche Ignace, mais les relations avec Rome devinrent difficiles. À la mort d’Ignace, Photius redevint patriarche. Un concile oriental à sainte Sophie en 879 le réhabilita et voulut même annuler le Concile de 869. Dès lors, les grecs ne voulurent plus reconnaître comme œcuménique ce 4e concile œcuménique de Constantinople de 869 qui avait condamné Photius.
Au milieu de ces remous, Photius se montra toujours un ferme partisan des images et du Concile de Nicée II dirigé par son oncle Taraise. Ses homélies manifestent, après 150 ans de querelles, le triomphe de l’iconographie chrétienne. En décrivant les images qu’il inaugure, il insiste sur le mystère de l’Incarnation qu’elles sont seules à pouvoir rendre. Le problème de l’image est lié dans sa pensée à la piété mariale, qu’il contribue à développer, renouant avec une tradition ancienne que l’iconoclasme avait interrompue.
Bibliographie
Histoire du Christianisme, Tome 4 (610-1054) spécialement ch. 2 sur l’iconoclasme ,
Gilbert Dagron pp 93 à 165 Desclée, 1993