Brève histoire du 2e Concile de Nicée (787)
donnée par Hubert Jedin en 1960
Iconoclasie et culte de images. Le concile de Nicée en 787.
Non seulement l’assaut arabe avait arraché à l’ Empire byzantin ses lointaines provinces mais en outre ses vagues déferlaient jusque sous les murs de la capitale. Seule la valeur militaire de Léon III l’Isaurien sauva en 717-718 Constantinople de la domination étrangère. Cet empereur (717-741), influencé par des cercles religieux hostiles aux images et peut-être aussi par les exemples judaïques et islamiques, interdit par édit, en 726, le culte des images (icônes). On justifiait cette interdiction en se basant partiellement sur l’Ancien Testament (Tu ne feras point d’images taillées) et partiellement, pour autant qu’il s’agit de l’image du Christ, sur l’impossibilité de figurer de la sorte la nature divine du Seigneur. Or représenter uniquement sa nature humaine c’était verser dans le nestorianisme… Beaucoup de magnifiques œuvres d’art furent ainsi stupidement détruites, et les défenseurs des images comme le patriarche Germain de Constantinople furent déposés et sévèrement poursuivis. Le pape Grégoire III protesta vainement lors d’un concile tenu à Rome en 731. Un synode qui eut lieu à Hiérée sur le Bosphore consolida théologiquement l’iconoclasie et la sanctionna (754). Le chroniqueur byzantin Théophane en caractérisa ainsi les décisions : « Elles élevaient, pour leur propre compte, les conceptions du synode à la hauteur de dogmes sans qu’un seul des sièges épiscopaux catholiques, à savoir Rome, Alexandrie, Antioche ou Jérusalem, eût été représenté. »
L’empereur Constantin V (741-775), montra plus de rage encore contre le culte des images que son prédécesseur. Rien qu’en août 766, seize hauts fonctionnaires et officiers furent exécutés de ce chef. La résistance farouche du peuple et des moines à la furie iconoclaste de l’Église et de l’État se manifesta tout d’abord lorsque l’énergique impératrice Irène assuma la régence (780-797), pendant la minorité de son fils Constantin. Cependant sa première tentative de liquider l’iconoclasme par un synode échoua. L’épée au poing, la garde, composée d’iconoclastes convaincus, dispersa l’assemblée (31 juillet 786). Mais Irène ne renonça pas à son projet. Soutenue par le patriarche Tarasius qu’elle avait placé sur le siège épiscopal, et qui était favorable au culte des images, elle réunit, en l’automne de 787 à Nicée, le 7e concile œcuménique qui, en huit sessions, du 24 septembre au 23 octobre, cassa les décisions de 754 hostiles au culte des images. Le concile mit à néant les arguments que les iconoclastes avaient tirés de l’Écriture Sainte pour condamner le culte en question et définit comme étant de foi la doctrine suivante : Est permise la représentation en image du Christ, de la Mère de Dieu, des anges et des saints ; en effet cela incite le spectateur à se souvenir du personnage représenté et à l’imiter. Le culte témoigné aux images (proskynesis) se rapporte à la personne représentée, proprement dite le prototype. Il se distingue du culte de latrie (latreia) qui convient à Dieu seul. On se montra clément vis-à-vis des évêques qui avaient été iconoclastes, à condition qu’ils se repentissent. La 8e et dernière session à laquelle Irène et son fils prirent part se tint au palais de la Magnaure. Près de 300 évêques, en tête desquels se trouvaient les légats pontificaux, apportèrent leur approbation. Le chroniqueur Théophane résuma ainsi les résultats du concile : « On n’enseigna rien de nouveau, mais les doctrines des saints et bienheureux Pères furent inébranlablement maintenues et les nouvelles hérésies rejetées. »
La paix régnait maintenant dans l’Église de Dieu bien que l’Ennemi ne cessât point, grâce à ses complices, de semer l’ivraie. Mais l’Église de Dieu, même combattue, finit toujours par triompher. En fait au IXe siècle on assista à un retour de flamme de l’iconoclasie qui ensuite succomba définitivement. (Pour ce « Deuxième iconoclasme », voir plus bas)
Épilogue en Occident.
En Occident on avait toujours réprouvé l’iconoclasie. Sans exclure le culte des images on les estimait surtout pour leur valeur didactique. Elles étaient les « livres des laïcs » c’est-à-dire de ceux qui ne savaient pas lire, comme l’avait dit Grégoire le Grand. On peignait sur les murs des églises des cycles entiers d’événements bibliques, comme, par exemple, à l’église d’Oberzell, les miracles de Jésus. Il se fit aussi que de mauvaises traductions latines de Nicée parvinrent en Occident. La distinction qui y était faite entre vénération et adoration était mal établie.
Charlemagne, qui s’estimait protecteur de la vraie foi au moins autant que l’empereur byzantin, fit combattre l’erreur présumée des byzantins dans un pamphlet théologique, les « Livres de Charles (Libri Carolini) », qui déniaient au deuxième concile de Nicée tout caractère œcuménique. Charles crut devoir lui opposer un concile général d’Occident tenu à Francfort en 794, concile auquel parurent non seulement les évêques de toutes les provinces de l’Empire franc ainsi que deux légats du pape, mais aussi les évêques d’Angleterre. Charles lui-mêmes le présida ; il intervint activement dans les discussions théologiques et y eut le premier et le dernier mot. Les décisions du Concile de Nicée de 787 furent rejetées comme non œcuméniques, mais sans que ce résultat se maintint de manière durable. Le pape Hadrien Ier (772-795) en effet ne récusa pas la qualité œcuménique du concile de Nicée, et surtout refusa d’excommunier l’empereur byzantin malgré les exigences de Charlemagne.
Notes
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Hubert Jedin est un grand spécialiste de l’histoire des Conciles. Il fut sollicité pour rédiger la préface des « Conciles œcuméniques » Cerf, Paris, 1962.