Introduction
De l’évangile selon saint Marc
Mc 1, 1 – 1 Commencement de l’évangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu :
Commentaire et réflexion
Commencement de l’évangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu. » L’évangile (du mot grec εὐαγγέλιον ) a d’abord signifié, chez les plus anciens classiques, le cadeau offert au messager d’une bonne nouvelle, – le sacrifice de reconnaissance pour l’heureux événement annoncé, – enfin la bonne nouvelle elle-même. Dans la langue de l’Église, et cela dès la première heure, évangile signifie la bonne nouvelle par excellence, la seule, à proprement parler, qui soit au monde : l’annonce que l’homme, primitivement appelé à l’amitié et à la vie de Dieu, puis déchu de cette grandeur première, y est replacé par le Fils de Dieu incarné, Notre-Seigneur Jésus-Christ. Lorsque saint Marc nous dit : l’évangile « de Jésus-Christ », nous devons donc entendre cette attribution non seulement au sens où le Seigneur est regardé comme le messager de cette bonne nouvelle qui nous a été, historiquement, apportée par lui ; mais encore et surtout au sens où le Seigneur est le message lui-même. L’objet de l’évangile et sa substance c’est le Seigneur en personne, en tant que sa vie, ses œuvres, son enseignement, sa mort, sa résurrection nous restituent la filiation et l’amitié de Dieu. L’ère du salut, les temps messianiques ont eu leur inauguration solennelle par la prédication de saint Jean-Baptiste, comme saint Marc l’expliquera dans les versets qui suivent ; l’évangile de Jésus-Christ a commencé lorsque parut au désert le héraut de celui qui venait fonder, à la fois sur terre et dans les cieux, le Royaume de Dieu.
De l’évangile selon saint Luc
Lc 1, 1-4 – 1 Comme plusieurs ont entrepris de composer une relation des choses accomplies parmi nous, 2 conformément à ce que nous ont transmis ceux qui ont été dès le commencement témoins oculaires et ministres de la parole, 3 il m’a paru bon à moi aussi, qui de longue date ai tout suivi avec soin, d’en écrire pour toi le récit suivi, noble Théophile, 4 afin que tu reconnaisses la certitude des enseignements que tu as reçus.
Commentaire et réflexion
La bonne nouvelle a été recueillie par plusieurs. Dans les diverses régions que le Seigneur a évangélisées, il semble bien que ses discours et ses principaux miracles ont fourni aussitôt la manière de petits mémoires écrits, qui circulèrent de main en main. D’autre part, les apôtres et les disciples, témoins autorisés de l’œuvre de Notre-Seigneur Jésus-Christ, organes officiels de la prédication chrétienne, racontèrent d’abord de vive voix ce qu’ils savaient du Seigneur ; et de cette catéchèse primitive, non seulement le thème général et l’ordre d’exposition, mais souvent les termes eux-mêmes se trouvèrent à peu près identiques dans les différentes églises. Des sources écrites, une tradition orale, des souvenirs personnels, d’autres renseignements sûrs : tels sont les éléments qui permirent aux évangélistes de composer, sous l’inspiration de l’Esprit de Dieu, une histoire du Seigneur authentique et exempte d’erreurs. L’Église n’a jugé dignes de figurer dans son canon des Écritures que quatre récits ; l’existence d’une vingtaine d’évangiles apocryphes est aujourd’hui reconnue par les critiques. C’est l’apôtre saint Matthieu qui écrivit le premier, en araméen et pour les Juifs palestiniens convertis. Aussi s’applique-t-il spécialement à démontrer l’accomplissement des prophéties et l’harmonie des deux Testaments. Ce texte araméen, — dont rien ne subsiste aujourd’hui, — fut traduit en grec, peut-être par saint Matthieu lui-même. Peu soucieux de reproduire le développement régulier de la biographie du Sauveur, l’évangéliste classe ordinairement ses matériaux, non d’après un ordre chronologique rigoureux, mais selon divers procédés conventionnels et en tenant compte de l’analogie des matières : c’est ainsi qu’une large portion contiendra les discours, une autre les principaux miracles, une troisième les paraboles. La physionomie du second évangile est différente ; ici, nous sommes en face d’un portrait bien vivant, d’un récit historique régulier et continu, mené rapidement, où abondent les traits pittoresques, les détails qui trahissent le témoin immédiat. C’est l’abrégé de la catéchèse de saint Pierre à Rome, nous apprennent Papias, saint Irénée, Clément d’Alexandrie et Origène. Il fut écrit en grec, sous les yeux du prince des apôtres, par saint Marc, « le disciple et l’interprète de Pierre » : probablement le même que Jean Marc, collaborateur intermittent de saint Paul ; on a signalé, dans son évangile, plusieurs traces de doctrine paulinienne.
Mais c’est avec saint Luc surtout, comme en témoigne la tradition, que nous entendons l’enseignement du Docteur des gentils. Luc est « le médecin très cher » (Col 4, 14), le compagnon fidèle de saint Paul, l’auteur des Actes. Il composa son évangile avant ceux-ci, probablement au cours des deux années de captivité de l’Apôtre à Césarée (58-60 après J.-C.). C’était un Grec, un esprit cultivé, sachant bien sa langue. Son évangile, comme les Actes, est dédié à Théophile, personnage réel et non allégorique, que saint Luc qualifie d’ « excellent », peut-être parce que son rang social lui donnait droit à ce titre de noblesse. L’écrivain sacré se flatte que Théophile reconnaîtra, grâce à son travail, la solidité des enseignements qu’il a reçus déjà. Peut-être réclamait-on, parmi les convertis de l’hellénisme, une véritable histoire du Seigneur et la mise en œuvre continue de récits fragmentaires ne se rapportant chacun qu’à telle ou telle portion du ministère de Jésus : les deux premiers évangiles étaient sans doute peu ou point connus dans le milieu grec. Saint Luc ne jette nullement le discrédit sur le travail de ses devanciers ; il s’encourage au contraire par leur exemple : puisque plusieurs ont essayé de composer une narration des grands événements qui se sont accomplis en Palestine, il lui a semblé bon, à lui aussi, d’entreprendre une tâche analogue. Il admet que ses devanciers ont écrit « selon ce que nous ont transmis ceux qui, dès le commencement, furent témoins oculaires et qui sont devenus ministres de la parole » : l’enseignement apostolique est donc la source authentique des évangiles ; les faits racontés se trouvent garantis par le témoignage des hommes qui ont vécu avec le Sauveur, depuis le baptême de Jean jusqu’à la Résurrection (cf. Ac 1, 21-22). Saint Luc déclare qu’à son tour, et avec un soin diligent, il s’est renseigné sur tous les faits relatifs au Seigneur, remontant jusqu’à l’origine, c’est-à-dire jusqu’au début de la vie publique, et même au-delà. Ce qui caractérise en effet le troisième évangile, c’est la richesse de son information, comme nous dirions aujourd’hui. Les récits de l’Enfance, au jugement d’exégètes sérieux, représentent le témoignage de Notre-Dame. Pour le reste, saint Luc s’est servi non seulement de la narration évangélique précédemment parue ou encore de sources utilisées déjà par elle, mais il a eu de plus entre les mains des documents spéciaux, ceux notamment qui décrivent un ministère extra-galiléen, et qui sont groupés en son évangile du chapitre 10 au chapitre 18. Nous devons d’ailleurs observer que saint Luc lui-même n’a pas songé à donner une biographie complète. Et lorsqu’il se propose de raconter toutes choses « dans leur ordre », il le faut bien entendre : son classement des faits n’est pas toujours conforme à l’ordre chronologique ; il a, comme saint Matthieu, un plan idéal et des procédés littéraires à lui.
Les évangiles dont nous venons de parler sont appelés synoptiques : d’un mot grec qui exprime la « vue d’ensemble », la concordance obtenue lorsqu’on dispose leurs trois textes en regard l’un de l’autre, sur trois colonnes parallèles. Il y a coïncidence et identité, même verbale, dans une foule de cas ; mais, en dehors des points de contact, les dissemblances abondent ; et de cet enchevêtrement de ressemblances et de divergences naît le problème synoptique : comment se sont formés les évangiles ? quels liens de parenté les rattachent entre eux ? viendraient-ils, et dans quelle mesure, d’une ou de plusieurs sources communes, orales ou écrites ? Toutes ces questions appartiennent à la critique biblique ; nous n’avons rien à en dire ici.
Beaucoup plus tard que les synoptiques, vers la fin du premier siècle, fut rédigé à Éphèse l’évangile de l’apôtre saint Jean. Il se rencontre rarement avec les synoptiques. Et cette absence même de coïncidence, le soin de ne pas répéter ce qui a été dit déjà, en même temps que l’allusion formelle à des faits relatés par les autres évangiles : tout cela prouve que saint Jean a connu ces derniers. Alors que les synoptiques se limitent habituellement au ministère galiléen ou péréen du Seigneur, le quatrième évangile a pour scène, non pas exclusive, mais pourtant habituelle et continue, Jérusalem et ses environs, la Judée proprement dite. Peut-être saint Jean a-t-il voulu répondre ainsi au scandale qu’avait provoqué parmi les judaïsants la réprobation de Jérusalem, comme si le Seigneur ne s’était pas suffisamment révélé à son peuple (Rm 10). À la différence encore des synoptiques, saint Jean écrit plutôt avec des souvenirs personnels qu’avec des documents ; « le disciple que Jésus aimait » est le mieux renseigné de tous les témoins. Nous n’écartons point d’ailleurs l’hypothèse selon laquelle saint Jean aurait puisé à la science de Notre-Dame et aux souvenirs des disciples survivants. Lui aussi, lui surtout, fait un choix parmi les événements et parmi les enseignements eux-mêmes. Il était entré plus profondément que nul autre dans la pensée intime de son Maître : ce qui l’intéresse, c’est la personne du Seigneur, sa divinité, sa mission de Fils, la vie surnaturelle qu’il apportée au monde. Sans doute, saint Jean est historien, même historien très précis ; mais il est avant tout théologien et, selon la parole de Clément d’Alexandrie, c’est « un évangile spirituel » que lui a dicté l’Esprit de Dieu : nous y assistons à la manifestation historique, comme Fils de Dieu, de Celui en qui nous sommes sauvés, moyennant notre adhésion à lui par la foi, le baptême, l’Eucharistie.
Chacun des évangiles forme donc, à lui seul, une biographie du Sauveur envisagée à un point de vue spécial, s’adressant originairement à une catégorie de lecteurs déterminée, ayant sa propre physionomie littéraire. Mais la piété chrétienne a, dès les premiers siècles, trouvé son charme dans la fusion, en un récit unique, de tout ce que l’Écriture inspirée nous a conservé des actions, des démarches, des paroles, des moindres gestes du Fils de Dieu, depuis son Incarnation jusqu’à son entrée dans la gloire.