Jeudi 7e semaine de Pâques (I)
Commentaire de saint Augustin, évêque
sur la première lettre de Jean
Tract. 7, 11 ; 8, 1 : SC 75, 332-334.338
Si jamais vous voulez conserver la charité, mes frères, gardez-vous par-dessus tout de croire qu’elle est languissante et oisive, et qu’on la conserve par une sorte de mansuétude, que dis-je mansuétude, disons plutôt indolence et mollesse. Ce n’est pas ainsi qu’on la conserve. Ne te figure pas que tu aimes ton serviteur, quand tu ne le frappes pas ; que tu aimes ton fils, quand tu ne le châties pas ; que tu aimes ton voisin, quand tu ne le reprends pas : ce n’est pas là charité, mais tiédeur. Que la charité soit fervente à corriger, à reprendre ! Si la vie est pure, réjouis-toi ; si elle est mauvaise, reprends, corrige. Ne va pas, dans l’homme, aimer l’erreur, mais l’homme ; car l’homme, c’est l’œuvre de Dieu ; l’erreur c’est l’œuvre de l’homme. Aime l’œuvre de Dieu, non l’œuvre de l’homme. Aimer celle-ci, c’est détruire celle-là ; chérir celle-là, c’est purifier celle-ci. Mais, même s’il t’arrive de sévir, que ce soit par amour du mieux.
Voilà pourquoi la charité est signifiée par la colombe qui vint au-dessus du Seigneur. C’est sous cette forme de colombe qu’est venu l’Esprit Saint pour verser en nous la charité. Pourquoi cela ? La colombe n’a pas de fiel : pourtant elle lutte à coup de bec et de plumes pour défendre son nid, elle frappe sans amertume. Cela, le père le fait aussi : quand il châtie son fils, il le châtie pour son bien. Comme je l’ai dit, le trafiquant, pour vendre, cajole avec amertume ; le père, pour corriger, châtie sans fiel. Tel devez-vous être pour tous.
Charité, mot bien doux, réalité plus douce encore. Nous ne pouvons en parler toujours : car nous avons beaucoup à faire et nos diverses occupations nous écartèlent, de sorte que notre langue n’a pas toujours le loisir de parler de l’amour ; pourtant elle ne saurait mieux faire. Mais si nous ne pouvons en parler toujours, nous pouvons en vivre toujours. De même, en ce moment, nous chantons l’Alléluia : pouvons-nous toujours le faire ? C’est à peine si ce chant de l’Alléluia dure, non pas une heure pleine, mais quelques minutes : et nous passons à autre chose. Or, Alléluia, vous le savez, signifie : Louez Dieu. Louer Dieu en paroles, on ne le peut toujours ; le louer par sa vie, on le peut toujours. Les œuvres de miséricorde, les sentiments de charité, une piété sainte, une chasteté incorruptible, une tempérance qui garde la mesure, ce sont là vertus auxquelles nous devons toujours être fidèles.