Mardi 7e semaine de Pâques (I)
Commentaire de saint Augustin, évêque
sur la première lettre de Jean
Tract. 7, 10 : SC 75, 330-332
Personne n’a jamais vu Dieu. Dieu est une réalité invisible : ce n’est pas avec les yeux, mais avec le cœur qu’il faut le chercher. Mais de même que, pour voir notre soleil, nous purifions l’œil du corps, grâce à quoi nous pouvons voir la lumière ; de même, si nous voulons voir Dieu, purifions l’œil qui nous permet de le voir. Où est cet œil ? Écoute l’Évangile : Bienheureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu. Mais que nul ne se fie au plaisir des yeux pour se faire une idée de Dieu. Car, ou bien il se représente une forme immense, une grandeur infinie qu’il étale à travers l’espace, comme cette lumière que voient nos yeux, et qu’il déploie, aussi loin qu’il le peut, à travers l’étendue ; ou bien il se le représente sous les traits d’un vieillard à l’aspect vénérable. Ne t’imagine rien de la sorte.
Si tu veux voir Dieu, tu as de quoi t’en faire une idée : Dieu est amour. Quel visage a l’amour ? Quelle forme a-t-il ? Quelle stature ? Quels pieds ? Quelles mains ? Personne ne peut le dire. Il a pourtant des pieds, car ils mènent à Église ; il a des mains, car elles donnent aux pauvres ; il a des yeux, car ils lui permettent de prendre souci de l’indigent : Bienheureux, est-il dit, celui qui prend souci du pauvre et de l’indigent ; il a des oreilles, dont le Seigneur dit : Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende. Ce ne sont pas là des membres découpés dans l’espace : non, celui qui a la charité voit tout en même temps par la pensée. Habite en elle, et elle habitera en toi ; demeure en elle, et elle demeurera en toi.
Mais quoi ! Mes frères, qui aime ce qu’il ne voit pas ? Pourquoi, lorsqu’on loue la charité, vous dresser, acclamer, louer ? Que vous ai-je fait voir ? Vous ai-je présenté des couleurs ? Vous ai-je proposé or et argent ? Ai-je déterré les joyaux d’un trésor ? Ai-je mis sous vos yeux quelque chose de tel ? Mon visage a-t-il changé tandis je vous parlais ? Je garde ce visage de chair, j’ai le même aspect que j’avais en entrant ; vous avez le même aspect que vous aviez en venant ici. On loue la charité, et vous poussez des acclamations. Pourtant vous ne voyez rien. On loue devant vous la charité : si vous le voulez, elle est à vous, vous la possédez. Nul besoin de recourir au vol, nul besoin de l’acheter : elle ne coûte rien. Prenez-la, embrassez-la : il n’y a rien de plus doux. Si telle elle est, quand on en parle, quelle est-elle, quand on la possède !