Saint Pothin, évêque, sainte Blandine, vierge, et leurs compagnons, martyrs (I)
Lettre des Églises de Lyon et de Vienne
Eusebii, Ecclesiarum historia Rufino interprete, 5, 1.2
ed. Cacciari, Romae, 1740, 1, 246-247.251.255-256
Les serviteurs du Christ demeurant à Vienne et à Lyon, dans les Gaules, souhaitent à tous les frères d’Asie et de Phrygie qui partagent leur foi et leur espérance en la rédemption du Christ, la paix, la grâce et la gloire qui viennent de Dieu le Père et du Christ Jésus, notre Seigneur. Il n’est pas en notre pouvoir de raconter, même si nous étions en votre présence, ni d’écrire de façon complète l’épreuve immense qui fut la nôtre et la fureur des païens contre les saints martyrs. Une même et égale fureur ne cessait de les animer tous, la foule, le juge, les fonctionnaires et les soldats ; ils s’acharnaient surtout contre un diacre de Vienne, nommé Sanctus, contre Maturus, encore néophyte, mais d’une foi et d’une patience très vigoureuses, ainsi que contre Attale, citoyen de Pergame, qui fut toujours la colonne et l’appui de notre Église, et enfin contre Blandine.
Quant au bienheureux Pothin, évêque de Lyon, il n’est pas permis de taire le glorieux témoignage de son martyre. Âgé de plus de quatre-vingt-dix ans et infirme en raison de sa vieillesse, il était déjà presque mort, et seul son désir du martyre le gardait en vie. Défaillant tant il était vieux et malade, il conservait la vie pour qu’en ce corps fragile le Christ remportât un triomphe plus éclatant devant le tribunal où on l’avait conduit ou plutôt porté. Le vieillard se tint face au tribunal. De toutes parts s’éleva la clameur d’une foule impie ; on criait que le vieillard était le Christ lui-même. Le président demanda à Pothin qui était le Dieu des chrétiens. « Tu le connaîtras, répondit-il, si tu en es digne. »
Dès lors la fureur d’une rage folle s’empara de tous ; ceux qui étaient proches du vieillard le frappaient du poing, d’autres de leurs pieds, sans le moindre respect pour son âge et sa dignité ; ceux qui étaient éloignés lui jetaient de loin avec rage ce qui leur tombait sous la main. Chacun aurait cru se rendre gravement coupable s’il n’avait commis une scélératesse envers le vieillard. Ils se croyaient par là vengeurs des dieux. Jeté à demi-mort dans un cachot, Pothin rendit peu après à Dieu son âme très pure.