Sœur Catherine Bourgeois + Ermite catholique, peintre

 

3e dimanche de Pâques (I)

Morales de saint Grégoire le Grand, pape

Lib. 2, 11 : SC 32, 188-189

Autre est la manière dont Dieu parle aux âmes des saints, autre celle dont ceux-ci s’adressent à lui. Aussi est-il dit dans l’Apocalypse de saint Jean : Je vis sous l’autel les âmes de ceux qui avaient été immolés pour la parole de Dieu et pour le témoignage qu’ils avaient eu à rendre. Et ils criaient d’une voix forte en disant « Jusques à quand, ô Maître saint et véritable, tarderas-tu à faire justice et à venger notre sang sur ceux qui habitent la terre ? »

Et le texte poursuit : Alors une robe blanche fut donnée à chacun d’eux, et il leur fut dit de se tenir en repos quelque temps encore jusqu’à ce que fût complété le nombre de leurs compagnons et de leurs frères. Qu’est-ce, pour les âmes, que réclamer vengeance, sinon désirer le jugement dernier et la résurrection des morts ? Leur grand cri, c’est leur grand désir.

L’homme crie d’autant moins que moindre est son désir. L’âme frappe les oreilles de l’Esprit infini d’une voix d’autant plus forte qu’un plus grand désir de lui la remplit davantage. Le langage des âmes, c’est leur désir. Si le désir n’était une sorte de langage, le Prophète n’aurait pas dit : Ton oreille a entendu le désir de leur cœur. Mais tandis qu’ordinairement l’esprit qui demande se porte dans un autre sens que celui à qui il s’adresse, les âmes des saints adhérent à Dieu du plus profond de leur cœur et, dans cette adhésion, trouvent leur repos. Comment alors peut-on dire qu’elles réclament, elles dont on sait que la volonté s’accorde parfaitement avec celle de Dieu ? Comment peut-on dire qu’elles réclament, elles qui certainement n’ignorent ni la volonté de Dieu, ni ce qui
doit arriver ?

En fait, se reposant en lui, on dit qu’elles lui font une demande, non qu’elles puissent désirer rien qui ne soit conforme à sa volonté qu’elles connaissent ; mais plus ardemment elles lui sont unies en esprit, plus aussi il les incite à le prier d’accomplir ce qu’elles savent être dans ses desseins. Elles boivent de lui le breuvage dont lui-même leur inspire la soif ; et d’une manière encore incompréhensible pour nous, elles se trouvent rassasiées, en les prévoyant, des grâces dont justement la prière les affame. Elles s’écarteraient de la volonté de leur Créateur, si elles ne demandaient l’accomplissement des volontés qu’elles voient en lui ; elles lui seraient moins étroitement unies si elles pressaient de désirs moins ardents celui qui veut donner.

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